Une méditation sur l'évangile et la première lecture d'aujourd'hui [Jr 28, 1-17 ; Mt 14, 13-21]
Mes sœurs et mes frères,
Selon Sigmund Freud, l’être humain a faim de sexe ; selon
Éric Ericsson dit, l’être humain a faim d’amour ;
mais Jésus dit, « Donnez-leur vous-mêmes à manger »[1].
« Qu’avons-nous nous-même
à donner ? »
J’étais étonné par cette
remarque de Jésus, « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». C’est
parce que, c’est une remarque apparemment stupide, apparemment paradoxale et
apparemment illogique de la part de Jésus.
C’est d’abord stupide,
parce que ce n’est pas Jésus qui a pris le premier rôle. C’est plutôt les
disciples qui s’approchent de Jésus premièrement, intervenant de la part de la foule,
environ cinq mille personnes, sans compter les femmes et les enfants. Ce sont
les disciples qui sentent en premier le besoin du moment, le besoin de la foule
et leur propre incapacité à leur donner à manger eux même. C’est là que jésus
leur dit : « Donnez-leur
vous-mêmes à manger ».
C’est aussi paradoxale,
parce que c’est Jésus, le maitre qui a appelé ses disciples en disant :
« suis-moi »[2], ou encore « le Fils de l’homme n’a pas de lieu pour
reposer sa tête »[3], lui qui est un prêcheur
itinérant, il dit ici à ses disciples : « donnez-leur vous-mêmes à manger ».
C’est également illogique,
comme au moment où jésus demande à la femme au puits, « Donne-moi à boire »[4] et en fait, au cours
du discours c’est Jésus qui dit à la Samaritaine : « Quiconque boira de l’eau que je lui donnerai
n’aura plus jamais soif ».[5] C’est Jésus de nouveau qui demande ici à
ses disciples, « Donnez-leur
vous-mêmes à manger ».
C’est vrai qu’on peut expliquer
ce passage de l’évangile soit comme un miracle de Jésus en tant que ‘multiplication
du pain et des poissons’, soit comme un miracle de Jésus dans lequel il y a eu une
multiplication de cœurs, de bonté, de volonté des gens qui, par conséquent,
commençaient à partager avec les uns et les autres les petites choses, des
petits gâteaux, des petits biscuits, des petit bonbons, qu’ils ont apporté avec
eux.
Malgré toutes les différentes
perspectives et différentes interprétations possibles, ce qui m’a beaucoup occupé
est la question : N’est-il pas vrai que jésus est en train de tester ou
mettre à l’épreuve ses disciples quand il dit, « Donnez-leur vous-mêmes à manger ».
C’est parce que la
remarque de Jésus, « Donnez-leur
vous-mêmes à manger » met ses disciples entre deux mondes : le
monde de « l’avoir plus » et le monde de « l’être plus » ou
du « devenir plus ». Autrement dit, le monde de la matérialité et le
monde de la spiritualité.
Le moment où jésus leur
dit, « Donnez-leur vous-mêmes à
manger », les disciples répondent immédiatement : « Nous n’avons là que cinq pains et deux
poissons ». Cette réponse des disciples indique leur concentration
surtout sur les choses terrestres, leur préoccupation sur les choses de ce
monde et sur les choses matérielles qui vont se détériorer et être détruites.
Face à ce Maître spirituel, Jésus, j’aurais aimé entendre de la part des disciples une réponse
comme, « Maître, ne t’avons-nous pas suivi dans la pauvreté ?
N’avons-nous pas laissé nos maisons, nos filets de pêche, nos terrains fertiles
pour te servir ? Ainsi, comment ne voies-tu pas que nous sommes ici confiant
dans la Providence, dans la paix et la liberté intérieure ? »
C’est exactement ce qu’on
a entendu dans la première lecture, le débat entre Ananie, le faux prophète et Jérémie,
le vrai prophète. Tandis que Ananie parle d’un joug de la vengeance parce qu’il
a besoin d’avoir plus, Jérémie parle d’un joug de la paix parce qu’il a besoin
d’être plus, de devenir plus, à la fois, personnellement et collectivement.
Aujourd’hui nous sommes
appelés à être disciples dans un monde de l’avoir plus, d’avoir plus de puissance,
de richesse, d’honneur et, par conséquent, on se trouve dans un monde où l’humanité
tue l’humanité, où l’humanité est en vengeance avec elle-même. C’est en ce
moment, quand l’humanité est saignée par les forces barbares, que Jésus nous
dit : « Donnez-leur vous-mêmes
à manger ».
Après avoir parcouru dans
la vie jusqu'à aujourd'hui, quelle est notre réponse à la question de Jésus « Donnez-leur vous-mêmes à manger ? »
« Qu’avons-nous nous-même
à donner ? ».
Rashmi Fernando S.J.