Monday 1 August 2016

« Donnez-leur vous-mêmes à manger »

Une méditation sur l'évangile et la première lecture d'aujourd'hui [Jr 28, 1-17 ; Mt 14, 13-21]




Mes sœurs et mes frères,

Selon Sigmund Freud, l’être humain a faim de sexe ; selon Éric Ericsson dit, l’être humain a faim d’amour ; mais Jésus dit,  « Donnez-leur vous-mêmes à manger »[1].

« Qu’avons-nous nous-même à donner ? »

J’étais étonné par cette remarque de Jésus,  « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». C’est parce que, c’est une remarque apparemment stupide, apparemment paradoxale et apparemment illogique de la part de Jésus.  

C’est d’abord stupide, parce que ce n’est pas Jésus qui a pris le premier rôle. C’est plutôt les disciples qui s’approchent de Jésus premièrement, intervenant de la part de la foule, environ cinq mille personnes, sans compter les femmes et les enfants. Ce sont les disciples qui sentent en premier le besoin du moment, le besoin de la foule et leur propre incapacité à leur donner à manger eux même. C’est là que jésus leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ».

C’est aussi paradoxale, parce que c’est Jésus, le maitre qui a appelé ses disciples en disant : « suis-moi »[2], ou encore « le Fils de l’homme n’a pas de lieu pour reposer sa tête »[3], lui qui est un prêcheur itinérant, il dit ici à ses disciples : « donnez-leur vous-mêmes à manger ».

C’est également illogique, comme au moment où jésus demande à la femme au puits, « Donne-moi à boire »[4] et en fait, au cours du discours c’est Jésus qui dit à la Samaritaine : « Quiconque boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ».[5]  C’est Jésus de nouveau qui demande ici à ses disciples, « Donnez-leur vous-mêmes à manger ».

C’est vrai qu’on peut expliquer ce passage de l’évangile soit comme un miracle de Jésus en tant que ‘multiplication du pain et des poissons’, soit comme un miracle de Jésus dans lequel il y a eu une multiplication de cœurs, de bonté, de volonté des gens qui, par conséquent, commençaient à partager avec les uns et les autres les petites choses, des petits gâteaux, des petits biscuits, des petit bonbons, qu’ils ont apporté avec eux.

Malgré toutes les différentes perspectives et différentes interprétations possibles, ce qui m’a beaucoup occupé est la question : N’est-il pas vrai que jésus est en train de tester ou mettre à l’épreuve ses disciples quand il dit, « Donnez-leur vous-mêmes à manger ».

C’est parce que la remarque de Jésus, « Donnez-leur vous-mêmes à manger » met ses disciples entre deux mondes : le monde de « l’avoir plus » et le monde de « l’être plus » ou du « devenir plus ». Autrement dit, le monde de la matérialité et le monde de la spiritualité.

Le moment où jésus leur dit, « Donnez-leur vous-mêmes à manger », les disciples répondent immédiatement : « Nous n’avons là que cinq pains et deux poissons ». Cette réponse des disciples indique leur concentration surtout sur les choses terrestres, leur préoccupation sur les choses de ce monde et sur les choses matérielles qui vont se détériorer et être détruites.

Face à ce Maître spirituel, Jésus, j’aurais aimé entendre de la part des disciples une réponse comme, « Maître, ne t’avons-nous pas suivi dans la pauvreté ? N’avons-nous pas laissé nos maisons, nos filets de pêche, nos terrains fertiles pour te servir ? Ainsi, comment ne voies-tu pas que nous sommes ici confiant dans la Providence, dans la paix et la liberté intérieure ? »

C’est exactement ce qu’on a entendu dans la première lecture, le débat entre Ananie, le faux prophète et Jérémie, le vrai prophète. Tandis que Ananie parle d’un joug de la vengeance parce qu’il a besoin d’avoir plus, Jérémie parle d’un joug de la paix parce qu’il a besoin d’être plus, de devenir plus, à la fois, personnellement et collectivement.    

Aujourd’hui nous sommes appelés à être disciples dans un monde de l’avoir plus, d’avoir plus de puissance, de richesse, d’honneur et, par conséquent, on se trouve dans un monde où l’humanité tue l’humanité, où l’humanité est en vengeance avec elle-même. C’est en ce moment, quand l’humanité est saignée par les forces barbares, que Jésus nous dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ».

Après avoir parcouru dans la vie jusqu'à aujourd'hui, quelle est notre réponse à la question de Jésus « Donnez-leur vous-mêmes à manger ? »

« Qu’avons-nous nous-même à donner ? ».



Rashmi Fernando S.J.




[1] Mt 14, 16.
[2] Mt 4, 19 ; 8, 22 ; 9, 9 ; 19, 21 ; Mc 2, 14 ; 5, 27 ; Lc 9, 59 ; Jn 1, 43.
[3] Mt 8, 20.
[4] Jn 4, 7.
[4] Jn 4, 14.